Quand il lisait
un journal ou une revue, il ne s’abandonnait jamais longtemps au seul plaisir de la
lecture. On l’entendait marmotter dans sa moustache, il hochait la t;te et prenait son
crayon. Il marquait le passage, griffonnait une indication. Voil; qui servirait pour une
le;on sur le pass; compos; ou les compl;ments de nom. Il d;coupait certains faits-divers
qu’il utilisait dans ses le;ons de morale.
Imprudence, acte de d;vouement… Ce qui se passait autour de lui, dans le pays ou
dans le monde, aboutissait finalement ; la petite classe de Fontvieille, ; ces livres
bourr;s de signets jaunis, ; ces fiches dont il connaissait la date ; la couleur ou ; la
p;leur de l’encre…
Chaque fois qu’il s’asseyait devant ses papiers, le ma;tre retournait sur la route de sa
vie. Cette le;on de vocabulaire datait de Maurines, dans les Pyr;n;es, de son premier
poste. Dans cet endroit perdu, bien des le;ons ressemblaient ; des histoires
merveilleuses. Les enfants n’avaient jamais vu un fleuve, une grande ville, un train. La
mer, par exemple, allez donc leur parler de la mer ! Alors, il multipliait les mots et les
r;cits jusqu’; sentir enfin qu’une image un peu sens;e s’;veillait derri;re leurs yeux. Il
n’en ;tait jamais tr;s s;r. Vous jetez un nom ou une phrase : allez donc savoir ce qu’ils
deviendront dans la m;moire !