L aile du retour

Selon la tradition et l’amour que nous lui portions, mon ;pouse et moi, nous nous ;tions rendus sur la fra;che tombe de son papa* pour r;citer des pri;res et lui manifester ; nouveau notre affection.
P;ques venait de passer, c’;tait le printemps, et pourtant, il faisait froid.
Cela peut sembler curieux, mais il ne me g;nait pas. L’id;e m’avait travers; l’esprit quelques jours plus t;t. En fait, je ne prenais cela plut;t pour une b;n;diction, ;tant donn; ce que les moustiques allaient nous apporter comme nouvelles maladies cette ann;e. Le gel en a certainement d;cim; beaucoup. Je sais, cela n’a rien ; voir, mais la tristesse d;tourne souvent l’attention de l’essentiel, et le ciel ;tait gris.
Oui, il faisait froid, humide, quelques flocons tombaient, nous nous ;tions chaudement v;tus.
Non-loin, ; une dizaine de m;tres, en dehors du territoire du cimeti;re, un ouvrier communal ;uvrait sur son bulldozer. Le vrombissement non-plus ne me d;rangea car nous ;tions enti;rement dans le moment, ensemble, dans la pri;re. 
Un monticule de terre d;cor; de magnifiques chrysanth;mes rouge vif recouvrait le cercueil et ;tait surplomb;e par son portrait.
Sur la photo, il ;tait jeune, ses yeux intenses semblaient me fixer et me dire : « Prendras-tu bien soin de ma fille ? ».
« J’essaierai, et toi, d’o; tu es, prie pour nous. Je suis malade, la situation est difficile. Nous en avions bien besoin. ». Quelques autres pens;es s’effil;rent et es perdirent avec le vent, les flocons et les larmes.
Il ;tait temps de continuer notre p;lerinage. Nous parcour;mes le cimeti;re. Le cri d’une mouette per;a, l’atmosph;re, et nous la v;mes sortir des arbres en direction de l’endroit o; elle nous attendait. 
Le jour avant, je m’;tais rendu ; une centaine de pas de l; pour prendre soin de la tombe de notre petite Marie. L’ann;e pr;c;dente, nous avions entrepris de repeindre les barri;res en vert et blanc – symboles de puret;, de nature, du Saint-Esprit, qui nous manque bien trop souvent.
Je m’en voulus de ne pas ;tre venu plus souvent, de n’avoir pas prier davantage pour elle. Mais certainement, cette ann;e f;t si dure, mon corps si mal en point, que j’;vita sans doute l’;cueil de la douleur de peur de m’y ;chouer encore.
Impossible d’assembler l’outil. Le sable l’avait coinc;, alors, j’en pris un autre qui ne fit pas vraiment la besogne, et commen;ai l’ouvrage et la pri;re de J;sus.
Apr;s une petite demi-heure, j’essayai ; nouveau de l’assembler - ; la russe - je le frappai avec un autre objet solide. Eur;ka ! et je pus poursuivre plus confortablement. 
La pri;re s’;grenait comme les nuages au-dessus, et de belles pens;es naissaient, de belles comparaisons classiques le premier m;tier du monde – jardinier – et la vie de l’homme.
J’;tais agenouill;, occup; ; d;terrer les mauvaises herbes. De crainte de nuire aux fleurs d;sir;es ; venir, il n’;tait pas toujours possible de les d;raciner, alors, je coupais les tiges qui d;passaient et les jetais dans le renfoncement ; c;t; de la parcelle.
Cependant, je fus aussi le t;moin d’;v;nement bien tristes sur place : ce pauvre homme qui exhumait par saccades des ; de d;sespoir ; la vue de la dalle de son parent, cette femme enferm;e dans un souvenir du pass; o; elle rabrouait son mari : « Mais o; as-tu encore fil; ! » 
Je priai davantage… Mais une lourde pierre semblait toujours opprimer mon c;ur.
Ce f;t le jour d’avant, je crois, et j’y ;tais ; nouveau.
Nous r;cit;mes des pri;res, et soudain, j’;clatai en vifs sanglots ; j’avais l’impression que des lames me d;coupaient le c;ur. J’avais vraiment mal.
Toujours cette sc;ne revient… Il fait froid, gris, des flocons tombent au-dessus de moi, le cercueil s’incline, et je sens son corps glisser ; l’int;rieur. Oui, je ressens toujours ce glissement glacial et implacable qui poignarde et m’ampute de l’int;rieur.
Mon ;pouse me prit dans ses bras, j’;tais pr;t ; tomber, et me dit. « C’est la douleur qui sort ».
A nouveau, nous entend;mes le cri de mouettes ! Elles ;taient trois ! Leurs ailes puissantes se d;ployaient, battaient la grisaille, et elles s’avan;aient avec assurance dans le ciel.
Puis, j’en vis d’autres encore, trois autres encore, et trois autres au-dessus ! Elles semblaient converser et vouloir me dire quelque chose.
Des mouettes en ce-jour, en cet endroit !? Dans un cimeti;re entour; de pins ; des centaines de kilom;tres de la mer ! Et puis, je n’en ai jamais vue l;-bas !
Ebahi, je regardai le ciel comme un enfant qui retrouve ses parents… « C’est mes anc;tres qui me rendent visite et me r;conforte, moi, le petit dernier de la famille, mais aussi le dernier des mouettes !
Mon ;pouse et moi-m;me sour;mes, malgr; la peine, nous ;tions heureux.
Nous pr;mes aussi conscience de petit autre miracle si important pour nous. Il y a un an, sur la tombe de notre petite fille, il n’y avait que quelques muguets venus d’on ne sait o;, et cette-ann;e, la parcelle en ;tait enti;rement recouverte !
Sans aucun doute, les mouettes d’un autre ;ge sont venues les plant;es. 
Aujourd’hui, c’est le neuf mai – jour de la f;te de la victoire et de l’anniversaire de ma maman.
Les lilas et les muguets sont ses fleurs pr;f;r;es avec le lys.
Elles sont les miennes aussi, et je m’appelle Gabriel.
Je ne suis pas un ange, mais qu’il est doux parfois de savoir que les anges et mes alleux cultivent de telles co;ncidences pour nous revigorer l’;me.
Je suis assis, j’;cris et j’entendis au loin le cri des mouettes.
« Bienvenu chez toi » !

Seigneur, merci, que les hommes me laissent vieillir et mourir en Russie...


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