Parmi les oies sauvages

Depuis 3 semaines, j ai tres mal au cou et aux articulations; a tel point que j en pleure parfois.
Vu la maniere dont on est recu aux urgences, j hesite beaucoup a y aller.
Aujourd'hui, a nouveau, la lourdeur de la douleur pesait de tout son poids et ecrasait ma pensee. Il m etait comme souvent presqu impossible de reflechir a des choses difficiles.
Ecrire, c est different. Cela correspond a une pulsion et comme tout mouvement, il recele en lui-meme une energie qui permet son expression.
Autrement dit, la pulsion s accompagne d une activite neuronale totalement endogene, c'est-a-dire d un courant biolchimicoelectrique qui permet de travailler sur cette pulsion. Cette activite est cependant de courte duree etant donne mon faible niveau general d hormones de bien-etre.
Pour des explications plus en details, il convient de consulter un neurologue.
Moralement, je souffre aussi de ne pouvoir faire ce que j ai d important a faire et que je suis contraint de reporter en raison du marasme administratif, medical et maintenant, surtout en raison de mon propre etat de sante. Et puis, j ai longtemps crie pour que l on me soigne et je suis epuise de crier dans le desert. 
 
Tout semble fait pour faire monter en moi la colere. Et, oui, meme beaucoup d immigres et les detenus ont droit a plus d attention que moi.
Quand quelqu un est seul, il est plus faible, il n y a personne qui viendra le soutenir, le defendre, temoigner, c est aussi le cas dans le monde medical maintenant. Cela n a rien a voir avec le racisme.
J ai l impression d etre comme un rat que l on laisse mourir peu a peu.
Qui aimerait cela?
Et pourtant... Il faut que j essaie de lutter, et aussi et surtout contre le ressentiment.

Quand on a mal trop longtemps, parfois on se deconnecte. Cela m arrive souvent; c est pourquoi, en plus de de mes apnees et autres, je dors presque 14 heures par jour.
Cet apres-midi, resigne a mon incapacite, je me forcai a me ballader , et j etais un peu dans cet etat, comme sur un nuage. Mais pas comme sur n importe quel nuage, sur un nuage qui pleut - triste. Cela tombe bien, le temps etait pluvieux.
Apres avoir arpente un peu moins d'un kilometres dans les gaz d echappements, sous les mugissements et les klaxons des voitures, je trouvai enfin un peu plus de serenite dans le parc. Je ressentis directement la fraiche odeur de chlorophyle qui s emanait des arbres venir me caresser l interieur de mon etre. Mes organes se detendaient comme une viande dure que l on attendrit.
Cependant, des que je passai sous l antenne de telecommunication, le volume de mes acouphenes augmenta considerablement, mon corps se tendit a nouveau, et lorsque je la depassai d une dizaine de metres, l heureux soulagement revint.
Il bruinait encore. Cependant, a cote de l etang, je fus surpris de decouvrir un immense attroupement d oies sauvages!
Comme elles etaient nombreuses! Elles profitaient de la proprete de l herbe lavee  par les nombreux jours de pluie pour deguster les jeunes pousses vertes. Elles etaient si calmes, si appliquees, si disciplinees, si seraines. Comme c etait beau!
Elles semblaient s entendre si bien, comme une grande famille soudee et heureuse!
Ce spectacle me tira une larme des yeux et je ne pus m empecher de vouloir me rapprocher d elles, et m assis sur un banc non-loin, a cote de l etang.
Comme un enfant, je me mis a converser avec elles en moi-meme.
Je leurs disais qu elles etaient belles et courageuses de parcourir autant de kilometres par les airs pour venir ici! Oui, j admirais leur courage de dormir a la belle etoile face a temps de dangers. Seulement de tres rares fois, il arriverait qu une d entre-elles pince sa voisinne car elle marchait sur son repas. Alors, je leur disais de ne pas se disputer et d arreter de faire du mal ainsi, qu elles pourraient perdre des plumes et ne plus pouvoir voler. Oui, je leur disais de continuer a se respecter, a s entraider comme elles le font si souvent, si naturellement.
Je les observais et remarquai de subtiles diffirences entre-elles: bien sur, la taille, mais aussi la concentration de certaines couleurs, l epaisseur de leur collier blanc, les dessins de leurs plumes ou parfois d autres details plus saillants ou insolites comme des taches blanches sur la tete.
Chez elles, on peut egalement remarquer une variete de caracteres. Certaines sont vindicatives, d autres sont timides, certaines sont plus bruyantes que d autres. De petits clans se forment parfois, mais ils reviennent toujours au plus gros de la troupe comme le murmure des etourneaux.

Deux evenements attirerent vivement mon attention.
A gauche, un bruit, un cri! Tous les regards s orienterent dans la meme direction et la troupe se mit alors alors a marcher tel un regiment pour chasser l ennemi! Je regardai. Il n y avait pourtant personne?!
Un peu plus trad, a ma droite, phenomene semblable: un petit cri, toutes les tetes de se tourner et les oies de se diriger vers l objet de leur curiosite, mais sans stress cette-fois, au contraire, comme s il y avait la quelque chose de bon. Je regardai; a nouveau: rien n y personne. Cependant, au fur et mesure que j y laissais planer mon regard, je ressentis la comme une presence bienfaisante. Et je me dis... peut-etre un ange?
Bah, je sais que les Grecs n y croient pas, mais pourquoi pas?
Dieu n at-il pas dit aux animaux que s ils tuaient un homme, son sang leur serait compter? N est-ce pas un chien qui accompagna l archange Raphael et son protege? Saint Seraphin de Sarov n avait-il pas comme compagnon un ours?
N est-il pas dit qu il y aura des animaux au paradis?
Moi j y crois!
Oui, je me dis alors que les oies ont egalement peut-etre un ange qui les accompagne et qui les guide pour que leur voyage reussisse, pour proteger leur espece.
Soudain, la fatigue redoubla d oppression et mes paupieres se fermerent. D humeur spirituelle, je me mis a reciter les prieres initiales. A peine eu-je commence que les oies emirent quelques cris, comme si elles se mettaient elles-aussi a prier!
Ensuite, je demandais pardon a Dieu et recitai la priere de Jesus pour mon epouse et moi-meme, pour ceux qui souffrent, pour l Eglise. Troisiemement, je remerciai Dieu pour ses bienfaits, pour ce petit banc dans ce petit parc, pour la compagnie charmante et apaisante des oiseaux. Je commencai alors a chnater toujours en moi. Et me mis aussi a prier pour les oies...
Dans les moments qui suivirent, bien qu yant les yeux fermes, je me surpris a voir les oies! Je les voyais comme de l entree d une caverne dont je voyais les contours sombres. Elles me regardaient! J ouvris les yeux et que vis-je?! Elles etaient toutes rassemblees autour de moi! Et effectivement, certaines d entre-elles me regardaient! La scene etait tellement insolite qu un homme nous filmait aec son smartphone! Sa compagne se rapprocha de lui pour observer le phenomene. D autres personnes regardaient aussi. Je demeurai encore assis quelques instants, mais cette attention soudaine et humaine, cette camera m indisposait. Je fis un signe de croix, je fis un signe de croix pour les oies et partis.
En chemin, je sentis comme de l huile sur mon front. J y portai ma main, sentis le residus. L huile avait l odeur de la myrrhe!
Et pourtant, je suis loin d etre un Saint...
Je suppose que cela arrive aussi a d autres orthodoxes... Mais ils n en parlent pas.
Le pire, c est de savoir que surtout en raison de mon etat, de ma situation, je pecherai encore en emotions, en paroles ou contre moi-meme, et cela me desole...
Ah si je pouvais etre comme Moise pour que Dieu aplanisse mon chemin...
Mais il faut se resigner, je suis bien indigne. Un peu comme le peuple de Dieu dans le desert. Dieu leur avait montre tant de miracles, et pourtant...
Oui, j ai aussi mes petits miracles, et je tombe pourtant.

Dieu, je t en prie, pardonne-moi et eclaire notre chemin. 

Merci pour cette ballade et la pluie qui tombe maintenant au moment ou j ecris. Quand elle tombe, elle me rappelle la becquee des oies sur le vert gazon.
Oui, je m endormirai tout doucement ce soir...

Bonne nuit


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