Le bac a sable

La ville avait developpe un projet de plaines de jeux. Chaque quartier en etait enfin nanti. Dans chacune d entre-elles, un educateur veillait a la serenite des lieux et rapportait aux autorites des recommandations pour la securite.

Que de bons moments passes la!
A construire des maisons, des chateaux, s imaginant des histoires de chevaliers et de belles dames prisonnieres!
Que d aventures sur les constructions en bois! Ils se prenaient pour le beau tarzan, defenseur de la nature, et en meme temps, exercaient les muscles de leurs petits corps grandissant.
Sous le soleil d ete, sur le carrousel, ils tournaient, tournaient a s en griser, se laissaient tomber, et le beau et pur sable jaune amortissait leurs chutes.
Les "grands" jouaient au footbal sur le terrain amenage et l educateur endossait le role d arbitre. Les adultes passionnes de ce sport y venaient degoter de nouveaux talents.

A cote du "bac a sable", il y avait le top - une association sans but lucratif pour enfants. Elle etait dirigee par une vraie soixante huitarde! Elle portait un pantalon bleu a pattes d elephant, un pull-over mauve a col roule, et par-dessus une peau de mouton ouverte qui s arretait aux epaules. Ses cheveux etaient boucles et dresses sur la tete. Un enorme condilome saillait sur son long nez. Elle s appelait "Madeleine". Bien que de cette epoque, elle savait se montrer severe quand il le fallait. Elle avait deja en horreur le racisme et l eglise - une vraie socialiste.
Mais la, avec elle, nous pouvions exercer nos talents artistiques: nous cousions, dessinions, peignions, concevions des marrionnettes.
 
Les adultes n etaient pas en reste! Dans l enceinte de la plaine, il y avait meme un petit terrain de petanque amenage pour eux. Ils pouvaient attendre gaiment ensemble pendant que la jeunesse s amusait.
Les enfants s etaient depense, avaient expulse leur trop plein d energie, leurs frustrations, avaient exprime leur creativite, et a la maison, la vie etait alors plus calme, plus sereine. Ils ecoutaient sans se cabrer.

Dans les annees septante, la vie changea. Les charbonnages fermerent l un apres l autre, les recettes baisserent, et les depenses pour la reconversion, l immigration grimperent.
Le cinema changea, a la TV, dans les journaux, on commenca a entendre parler de ces horribles histoires de pedophilie dans l eglise catholique.

La ville commencait deja a cette epoque a ne plus s en sortir financierement.
Ils deciderent de supprimer les educateurs de certaines plaines de jeux, et puis, de la totalite de celles-ci.
Les jeunes enfants, en y remuant le sable, trouvaient de plus en plus souvent des seringues utilisees par les toxicomanes et parfois des balles d'armes a feu. Ils deciderent de fermer la plaine de jeux du quartier que tous appelaient "le bac a sable".

Ses enfants ne cessaient d etre malades, alors sur le conseil du medecin, son pere decida de demenager a la campagne.