Tоroddur Poulsen

пророк в слезах
съалкал всё молоко
чтоб были силы
выйти в мир
чтоб сделать всех людей
такими же как он скорбящими
но кто набьёт песком часы
из перетёртых выпавших зубов
он пахнет старостью
сидит на мягком камне
пред ним мерцает призрачный огонь
он говорит: - она всё понимает
когда танцует словно пламя.

*
земной шар
поглотил
сон

заяц
исчез
пунктиром

я заполнял
буквы
разбуди меня
поцелуем
дождя

смывшим
как тряпка с доски
все вопросы

смерть также кратка
как жизнь
.
.
T;roddur Poulsen, Rocailles, traduit du danois et f;ro;en par Christel Pedersen et Sylvain Doerler
Deux po;mes extraits de Rocailles

le proph;te en pleurs
a bu tout le lait
afin de mieux pouvoir
aller dans le monde
et faire de tous les peuples
des pleureuses
qui ont rempli les sabliers
avec des dents de lait broy;es
et maintenant une vieille odeur demeure
assise sur une pierre douce
devant le feu blanc
et dit qu’elle comprend tout ce
qui concerne l’air

*

la terre
avale
le sommeil

le li;vre
;chappe aux
ponctuations

je me recharge
de lettres
et me r;veille
les dents mouill;es
et mon visage
a pris racine
dans le chiffon du tableau noir
qui effa;ait
la question
du tableau noir
la mort
;tait-elle aussi br;ve
que la vie

C’est parce qu’elle nous d;soriente que la po;sie peut nous ;mouvoir. Non que sa modernit; doive s’inscrire dans un discours dont la pratique du vers devrait r;pondre, mais parce que l’;criture d’un individu se charge d’une v;rit; qui donne ; sa po;sie toute sa puissance. Les po;mes de Rocailles du danois et f;ro;en T;roddur Poulsen portent en chacun d’eux la marque ;vidente d’un rapport aux choses comme ils sont les ;manations d’un ;tre, d’une nature. Le terme double de nature entre ici en r;sonance avec les manifestations de la vie naturelle ; les po;mes de Rocailles sont les lieux de r;colte ou de confrontation avec une Nature incarn;e dans ces pages par la duret; des pierres, ;galement par celle d’un corps mis ; l’;preuve dans sa mani;re de percevoir, de penser. Sans cesse T;roddur Poulsen d;place le curseur de ce qui permettrait de cr;er le po;me comme un fait ;tabli, une sensation coh;rente, une conception claire du monde. Lire cette po;sie c’est accepter autant des d;placements physiques qu’une lecture de l’espace qui ne proc;de ni par horizontalit; ni par verticalit;, ni par replis, ni par flagrances, mais par des attentions, des d;tails, des ;carts – une exp;rience. Comment qualifier cette parole m;l;e ; la narration d’un ;tre ? Elle ne nous installe dans aucun confort, ne se pr;te ; aucune lisibilit; distincte. Elle est ; la fois simple et ent;t;e, g;n;reuse et int;rieure ; elle nomme des rep;res, cr;e des endroits pour s’installer mais dans son mouvement vif elle se d;fausse, va voir ailleurs si en effet elle pourrait y ;tre. S’il y a en elle quelques sourires, domine d’abord une ;pret; ;trange, aussi soudaine que fraternelle. Cette ;criture s’allie ; des sensations en t;moignant d’une appartenance de l’homme ; plus vaste que lui ; elle le fait toutefois en resserrant la vue sur des mati;res qui deviennent des ph;nom;nes, s’;prouvent comme des profondeurs ou se traversent comme des l;g;ret;s. Son originalit;, puisqu’il faut le dire ainsi, ne signifie pas une bizarrerie continue. La po;sie de Poulsen est surtout habit;e par une travers;e de l’espace o; se conjuguent appr;hension et exp;rimentation, nominations et impressions. « j’ai le mal de mer / et les noms / et les versets / s’effacent / des fausses pierres / dans mes veines / lorsqu’ils essaient / de p;n;trer / dans mes cellules / pour que je puisse / devenir d;pendant d’eux / ces anonymes / et ils se font valoir / dans la derni;re fi;vre ». Corps intelligible, corps en qu;te d’intelligibilit; : le po;me est ici le lieu d’action, de r;action, d’un rapport aux choses, qui doit lui permettre de s’;purer comme d’accueillir. Il est la cristallisation verbale, jamais d;finitive, d’une mani;re d’;prouver la r;alit; ; il a la v;rit; d’un ;puisement ; il est aussi r;g;n;ration, des sens comme des cellules. Il invite ; sentir, par sa mati;re, ses mati;res, la v;racit; du monde. Une conscience est ; l’;uvre : celle d’;crire et de n’;tre pas d;poss;d;e de cette facult; aig;e de savoir mettre en mots ce qui se donne d’abord dans le flux complexe des sensations. Rocailles est une po;sie du palpable et de la palpitation. Si elle ne cherche pas le rituel, elle propose n;anmoins d’entrer dans la pierre, par des trous, des creux, des tailles, quoiqu’elle peut d;laisser cette activit; inscrite dans la marche, chercher, trouver, une sorte de parole cach;e dans le monde, une prononciation secr;te des choses, que notre existence effleure, mais qui peut se vivre, se ressentir, si nous t;chons d’en avoir une tentation vraie, non pour le triomphe du sens, la puissance de la raison, plut;t pour cr;er une relation ; travers la pierre, et la mobilit; de ce qui l’entoure, ou est inscrite en elle : « dans toutes les pierres / vit un mot / qui croit / ;tre une pierre // cela n’est pas aussi ;trange que / dans chaque grain de sable / vit une goutte de pluie / qui est un grain de sable // mais je n’ai encore jamais / entendu parler d’un c;ur / qui avait en soi un dieu / et qu’il pensait qu’il ;tait un c;ur // et si le dieu / avait eu un c;ur / avec un dieu dedans / qui avait un c;ur / avec un dieu dedans etc. // alors il serait mis ; rouler. » Le monde de Poulsen, du moins celui que cette premi;re traduction ; ma connaissance nous permet d’appr;hender, poss;de en lui la force des ;vidences et le d;sir d’en partager la nudit; sans jamais oublier le myst;re qui la fonde. Voilant, d;voilant, nommant ou plongeant les choses dans leur absence, Poulsen cherche ; progresser dans l’espace en d;faisant nos certitudes. Si l’articulation d’une pens;e ; m;me de d;chiffrer les manifestations sensibles des pierres se prononce ici, elle sait ;conduire les raisonnements pour ;tre ; la fois magie de la perception et magie de l’inscription. Sans perdre de vue que la pr;tention d’un d;chiffrement, d’un usage des choses ; m;me de nous satisfaire, a ses retournements, ses envers ; ce que l’homme r;cup;re ; l’insu des choses mat;rielles, min;rales, concr;tes et pesantes, et, dans la m;me « doublure », ce qu’il subtilise ; l’ombre ou l’invisible, peut ;tre recouvert du rire du « grand malaxeur » « avec des larmes d’asphalte calligraphi;es. » Il s’agit bien pour un lecteur engag; dans cet espace d’accepter une somme de m;tamorphoses qui sont celles de la Nature, celles du corps et du langage, et par l;-m;me de voir le po;me comme une forme extraite du monde ; le po;me cette vivante mati;re ; m;tamorphoses qui nous fait appr;cier la vie dans des navettes subtiles, ;tant regard comme outil, mati;res comme ;vanescences, poids comme pens;es. Dans un espace de chutes et de verticalit;, T;roddur Poulsen fabrique ses formes singuli;res, po;mes qui se donnent ; lire entre l’;parpillement du sacr; et l’;merveillement du profane, ; la recherche d’une conscience int;rieure qui puisse exclure les faux proph;tes et faire de soi le pilier d’une existence ; l’;preuve d’autrui.

Marc Blanchet


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