Sur le pave...

Enfant de la guerre,
Tu as grandi sans lui
Dans une campagne austere
Avec une autre famille
Celle de ta bonne mere
Pas si fiere mais en vie
C etait bien la tienne
Que personne ne la prenne

Un jour tu le vis revenir
Cet homme, cet etranger
Au corps maigre a en fremir
De l enfer, absent, devaste
Lui, l homme fort, l amant
Qu aimait tant ta maman ...

Fini les escapades chez les tantes, les cousines
Sur le pave d apres guerre, debarqua le revenant
Ton pere, sa musique chopine, chants de cygnes
Il fallait desormais a lui se plier maintenant

La vie de poils drus se tressait,
Un vetement qui piquait parfois,
Mais la tendresse aussi couvait
A l ombre de la tete de bois,
Souriait le papa polonais

(...)

De ton metre vingt, tu as connu le chagrin
Tu as vu ta maman partir avec le passant,
Ton pere dechire porter sur elle la main,
Ces tristes scenes se repeter, impuissant
Et toi d encaisser les coups durs du destin

Seul, sur le pas de la porte, les mains tendues, en menottes, tu etais assis a pleurer, a prier, que Dieu envoie ses anges et loin vous emportent ... 

Mais les dechus avaient des "langueurs"1 d avance
Les eglises etaient devenues leurs tanieres pedophiles
Ta mere battait les cartes dans sa folle ignorance
Invoquees, les legions se jouent de l ame febrile
Dans votre vie deferla un deluge de souffrances

Sur le pave, degoutte la purete de l enfance - hemophile

Papa brise par l enfer des camps
Une mere nymphomane, alcoolique
Et toi, adolescent, fils unique
Comment vivre sous ce firmament?

Papa ...
Sa Famille noble, lointaine contree,
L orgueil se pare de distance
Maman ...
Famille ouvriere mais infectee
Le rire chante en decadence

Eh! Eux! Ces emmigres etrangers! Eh! Eux, ces paysants mal eduques!
Sur le pave des familles, les regards se croisent - avec mepris - et se toisent

De l enfance sure2 et chrysalide,
Sortit un papillon de beaute
Tes ailes tristes et hybrides,
Attisent le desir printannier

Nourrie d essences viperines,
L ame prend de sinueux tournants
Ainsi, toi et ta fraiche cousine,
Avez partage vos premiers elans,
Melange vos seves consanguines,
Qui suppurent encore a present ...

Sur le pave de l inceste, titille le fruit de son zeste, sourit et cligne le serpent, siffle ta nostalgie d antan

Disputes familiales,
Papa s en irrite,
Su aux moeurs si sales!
L'espoir dans la fuite ...

Sur le pave de l exil, papa emmene la famille pour la grande ville,
Peut-etre un bon emploi, une vie moins sterile, pour une fois - plus tranquille?

Sur les ruines de la guerre, fleurit l economie
Papa et maman s affairent, trouvent du labeur
Ensemble, heureux, en savourent les fruits
Le pain noir a trois, se patine de douceurs

Heritier de siecles de noblesse
De guerres, de livres, de sensibilite
Ton esprit devore le savoir s empresse
Mais ton coeur fragile, meurtri, malmene
S enfouit sous une pluie de nuit en averse

De retour du cours de dialecte polonais3
Dans ton cahier, haute, ne tinte pas la note
Ton pere blesse, s emporte, soupe au lait,
Sa main forte vole, la! Sur toi se porte!

Quelle gerce sure la blessure!
Dans le coeur orgueilleux, printannier,
Non! Ne plus jamais sentir la morsure
Severe, paternelle de ton identite
 
Alors, te voila bien decide
Etre rebelle a ce que tu es!
Fini d etre a toi enseignee!
La langue que desormais tu hais!

S envola ainsi l espoir de ton pere
Ce qui lui permettait de tenir ici,
Sur cette belle terre etrangere,
Loin de ce qui lui sauva la vie,
De ces camps, fuir la misere
Fredonner ces chants de Slavie
Esperer avec son unique enfant,
Feter en joie les moments benis
Pour ce qui lui restait de temps

Partager avec toi ses belles racines,
Qui ne cessaient en lui de fremir,
Sentir avec toi, la fibre consanguine,
Vibrer fort, crier de vivre, de rugir!
Feter ensemble et atteindre les cimes!
Loin du silence qui ne cesse de sevir
Mine chaque instant et l ame decime ...

(...)

Heritier de fermiers et des "Mouettes"
Te voila offert un corps d athlete
Que tu brutalises avec tant d efforts,
Quelque part, pour echapper a la mort

Ainsi, tu prenais le chemin des "grands"
A hurler ta detresse a coups de violence
Vaincre le mal, enfin sentir la puissance
Sur le pave adolescent perle aussi le sang

Beau, grand, fort, intelligent,
Taiseux, etranger, mmm ... bien tentant!
Pamees, parfumees, les belles des bals,
Defilaient devant toi - tenebreux animal

L appetit, la tristesse communient
Lorsqu il s agit de chasser l ennui
Siege de voiture avec desinvolture,
Pour la demoiselle au col de dentelle:
Un vi nourrit le samedi avant l hostie

Et passait la folle viree du soir
Mais toujours, tu reprenais ce trottoir ...

Tu marchais seul a cote des lampadaires
Meme leur regard blafard semblait t eviter
Oh non, la, tu n etais pas gai et fier,
Combien donc aurais-tu voulu le quitter
Le travesti de ta vie  - ton cafard
Qui te grignotait 
Tu n etais plus qu une ombre sans ombre
Qui se fondait dans le pave ...


(...)

Il y eu pourtant des jours radieux
Qui rendirent ta solitude moins amere
Rencontre avec cet Italien facetieux
Filin jete pour te sortir de l enfer

(...)








 




Sur le pave du present, de ta vie jusque dans nos vies, resonne les cahots de ton errance, malediction pourpre de souffrance, qui chantent son nom en silence, et dansent les sabots de satan ...
 
... ... ...

1 Jeu de mots avec sens cumules: longueur, langueur
2"Sur" dans le sens "gout acide"
3 Du point de vue de la slavite, le polonais, comme toutes les autres langues slaves ne sont que des dialectes


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