Histoires vraies France 5

Ëåîíèä Ïàíêðàòîâ
                Toulon

En janvier 1998, mon pere est decede. Toute notre famille vivait de sa pension, car le personnel scientifique n'etait pas bien paye. En fevrier, je suis allee a la caisse d’epargne pour annoncer le deces de mon pere. Il faut noter que ces dernieres annees, je percevais sa pension moi-meme et que la femme qui a distribue l'argent me connaissait deja bien. J'ai commenc; a parler, mais elle m'a interrompu : « Alors, tranquillement, aucun ordre n'a ete recu, signez le papier… » C'etait la derniere pension et il n'y avait radicalement pas d'argent dans la famille ! Puis j'ai decide, et si j';crivais ; mon ami Alain ; Saint-Etienne. Alain a tres bien traite les Russes et, disons, a cree sa propre petite equipe a partir d'eux. Il comprenait mon ami M. Panfilov et le futur chef du Laboratoire dans le meme Saint-Etienne...

Alain m'a exprime ses condoleances suite au deces de mon pere, m'a dit de tenir le coup et qu'il reflechirait a la maniere de resoudre le probleme. Apres un certain temps, je recois une reponse de sa part. Il existe une possibilite d'aller a l'Universit; de Toulon, mais il faudra enseigner, et bien sur en francais. Mon francais n’etait pas tres bon a l’;poque. En fait, j'ai commence a l'etudier serieusement (apres un mois de cours dans mon Institut en 1995) precisement avec Alain en 1996. En un mot, c';tait tres effrayant, car je n'avais jamais rien enseigne, meme en russe. Cependant, que faire, j'ai accepte. J'ai trouve un bon livre sur le sujet dont j'avais besoin et j'ai decide : que ce soit ce qui sera. En fait, je n'ai du rester qu'un mois a Toulon...

... Alors, samedi, par une chaude matinee d'avril, je roule, en direction generale, vers Toulon. En accord avec Prof. Marie-Claude P., elle me rejoindra a la gare intermediaire avec sa voiture. Alors je suis arrive, j'ai vu la voiture de Marie-Claude... On est parti, je ne sais pas encore ou, d'ailleurs, on a tout de suite bascule sur «toi». Nous avons commence a parler de ceci et de cela. Je pense que Marie-Claude voulait evaluer mon francais. A cette epoque, j'etais fan de Daniel Penac. Alors j'ai commence a en parler. Et puis il s'est avere qu'hier Daniel rendait visite ; Marie-Claude, j'etais en retard d'un jour, sinon j'aurais pu rencontrer le celebre ecrivain francais. En chemin, Marie-Claude m'a explique qu'il n'y avait personne ; l'universit; le week-end, donc il faut que je reste chez elle, et le lundi nous allions ; l'universit; regler toutes mes affaires.

Quand nous sommes arrives sur place, j’ai ete un peu etonn; par la taille de sa «propriete». Mais tout est vite devenu clair : le mari de Marie-Claude, Francois, etait probablement un millionnaire local. Il achete des terrains sur la Cote d'Azur, construit des maisons et les revend. Je vous le rappelle, les annees 90, imaginez les «nouveaux Russes» ! Francois portait un jean simple et un T-shirt. Nous nous sommes rencontres, c'etait juste l'heure du dejeuner . Je constate qu'avant de partir, on m'a donn; une consigne : il faut s'y installer, essayer d'eviter les «retrouvailles» avec du vin, bref, essayer de boire moins. Francois demande : «Est-ce que tu sais ce qu'est un aperitif ? J'ai dit que bien sur je sais... Francois dit que je ne sais rien, maintenant il va m'apprendre. Il est alle dans la cuisine et a rechauff; une douzaine de grosses crevettes (je crois de Madagascar), puis il a sorti une bouteille de whisky du refrig;rateur, a mis les verres et a ajoute de la glace. L'aperitif ;tait pr;t ! Il fallait d’abord prendre et nettoyer les crevettes, puis, bien sur, les manger et les accompagner de whisky glace. C';tait vraiment tres savoureux. Ensuite, il y a eu le dejeuner . Naturellement, avec du vin rouge "Bandol". Il s'est avere que Francois etait l'un des proprietaires de la marque de vin. Le vin est «local» et tres savoureux, je l'ai ensuite cherche ; Paris et je ne l'ai trouve que dans un seul magasin. Bref, la journee a commence de maniere interessante.

Je suis sorti fumer et j'ai commence a penser que je pourrais faire une sieste pendant un moment. Ce n’est pas le cas ! Francois dit qu'il devrait aller a l'ecole professionnelle locale et ecouter avec ses amis les rapports des eleves. Il lui a propose de l'accompagner. Une douzaine de millionnaires locaux s'y sont rassembles pour financer l'etablissement. Les rapports etaient extremement fastidieux, l'evenement durait deux heures. Mais ensuite, quand les etudiants sont partis, tous les «proprietaires» ont sorti des vins, des pates, fait maison. Francois m'a presente a tout le monde et nous avons bu des vins locaux avec des pates. Bien sur, au debut, j'etais tres timide, mais ensuite j'ai commenc; ; parler avec les gens et la communication s'est rapidement amelioree.

A notre retour, je pensais que maintenant je pouvais dormir. Ce n’est pas le cas ! Francois a declare qu'il avait completement oublie qu'il avait une assemblee generale du yacht club. Il faut y aller ! Je me suis dit : ce sera un evenement standard, avec des discours, des discussions, etc. Comme j'avais tort ! Le yacht club s'est avere etre un batiment de trois etages. Nous sommes entres, il y avait un bruit inimaginable, des plaisanciers etaient assis a table et buvaient du vin dans des carafes (aux trois etages). Je n’arrivais pas a comprendre d’ou venait le vin; il n’y avait pas de serveurs. C'est alors que Francois m'a montre : trois tonneaux (rouge, blanc, rose) de vin a chaque etage. Nous nous sommes assis a table avec ses amis et avons bu du vin rouge. En fin de soiree, si je me souviens bien, un plaisancier et moi avons discute des campagnes d'Alexandre le Grand... Dieu merci, le dimanche s'est deroule paisiblement...

La vie est rapidement revenue a la normale. Le laboratoire etait petit, seulement des jeunes. Ils m'ont aide a maitriser le systeme Linux, nous avons participe ensemble a des soirees et transporte des tables jusqu'au laboratoire (bref, tout a ete a la russe).

Parlons maintenant de l'enseignement. J'ai donne des seminaires sur les polynomes orthogonaux. A l’epoque, on n'avait pas ce cours a l’universite… Le systeme de conduite des seminaires etait simple : vous formulez un exercice et au bout de 20 minutes vous indiquez la solution au tableau. Vous pouvez etre tranqille pendant 20 minutes. Cependant, j'avais tres peur que des questions commencent et que je ne puisse pas comprendre le francais de mes etudiants. J'ai donc choisi une methode completement differente : je fixe une tache, puis je parcours les rangees et en discute avec tout le monde. Apres cela, aucune question sur mes explications n’a ete soulevee.  Nous avons tres bien collabore avec le professeur Jacques S. Nous pouvons dire que tout s'est deroule comme il se doit. Apres la fin du semestre, les etudiants sont venus m'inviter a un cocktail.

Fin avril, Marie-Claude est venue me voir et m'a dit : "Leo, nous avons un probleme. Un autre invite aurait du arriver en mai, mais il ne viendra pas. La solution est la suivante : tu restes un mois de plus, recois un salaire et partages-le avec notre collegue, qui donnera des conferences pour vous. Ne t'inquietes pas, il y aura assez d'argent pour toi. Je dis que je suis d'accord, mais mon visa n'est que d'un mois et est sur le point d'expirer. Marie-Claude dit que ce n'est pas un probleme, nous allons le resoudre. Eh bien, je savais qu'un visa court ne pouvait pas etre prolonge, mais je suis reste silencieux. L'universite a ecrit une lettre a la police et le lendemain nous sommes alles a  la prefecture. J'avais avec moi un professeur, polonais de nationalite, que j'appellerai Tadeusz. Nous sommes venus. Tadeusz dit : « Pour l’instant, tu  expliques a la fille ce dont elle a besoin et je viendrai tout de suite.» Je vais au comptoir et raconte mon probleme a la fille. Elle a commence a  s'indigner, affirmant que nous ne prolongeons jamais les visas de courte duree, etc. Cependant, Tadeusz arrive et explique a la jeune fille l'essence de notre entreprise. En 5 minutes, j'ai eu un cachet de renouvellement.

Le mois de mai est passe inapercu. J'etais en train d'editer notre article avec Marie-Claude. La plupart du temps, je ne visitais meme pas ma residence. Avant les vacances de Paques, Marie-Claude disait qu'il ne faisait pas bon de rester seule a la residence pour Paques. Je constate qu'elle etait a la tete de la communaute protestante de sa ville. En un mot, elle m'installe dans un des cottages jouxtant la maison principale et j'y vivrai jusqu'a la fin des vacances. Pour Paques, je m'attendais a rester a la maison et a regarder ma serie televisee preferee "Inspecteur Derrick", mais...
Marie- Claude est venu avec ses cinq filles et a dit que nous devions aller a l'eglise, au service. Allons-y tous ensemble. Je me suis assis avec une de ses filles, Sylvie. Nous avons honnetement ecoute le service pendant trois heures, puis avons annonce une pause. Sylvie dit : "Sortons vite fumer." Bien sur, j’etais tout a fait d’accord. Apres une pause cigarette, Sylvie dit : « Pourquoi faut-il y retourner, allons-y, je vais te montrer la mer. » Moi : « Super, il faut que j'achete des cigarettes, sinon j'ai casse ma pipe ! » Sylvie a ri longtemps : est-ce que tu connais le sens de cette expression ? Moi : bien sur je sais, mais malheureusement c'est vrai, la pipe s'est cass;e.

J'ai vecu deux semaines chez Jacques, il partait a la montagne avec sa copine et je restais pour garder sa maison avec deux chats. Je dois dire, des salauds rares. Quand j'allais a l'universit;, ils etaient laisses seuls et a chaque fois ils retournaient le pot avec le palmier. Pourtant, il est vrai que l'un d'eux dormait exclusivement dans mon lit...

Avant mon depart, Francois a decide d'organiser une fete d'adieu dans ses vignes. J'y suis alle avec mon ami Silvan, dans sa voiture. Il roulait a une vitesse de 180 km/h, et a ma remarque prudente selon laquelle des radars y etaient installes, il a repondu : oh, tant pis, ils ne fonctionnent pas. Quand tout le monde fut reuni, Francois nous servit a tous un verre de Bandol rose et nous partimes voir les vignes. Une chaude soiree meridionale est arrivee. Francois a ramene de ses caves dix bouteilles de "Bandol" rouge sec (1978-1987), des pates et du pain maison. Les gars jouaient de la guitare et chantaient...

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De mon epopee toulonnaise, il ne me reste qu'un episode a raconter, meme s'il y avait bien d'autres choses interessantes.

Un celebre math;maticien francais Guy B. travaillait a l'Universite de Toulon. Ainsi, des le premier jour de notre rencontre avec Marie-Claude, on m'a annonce que toute communication avec Guy m'etait strictement interdite ! Et puis, un beau jour, Alain vient rendre visite a Marie-Claude. Apres un dejeuner, il me dit que ce serait bien de rendre visite a Guy (son bon ami). Je reponds qu'il m'est interdit d'entrer en contact avec Guy. Alain : ok, allons voir ce qu'il fait la. Allons au Labo de Guy. Nous entrons... Une petite piece, au centre il y a une table, et a table il y a plusieurs personnes assises, rasees et toutes fumant en meme temps. Mafia italienne typique... Alain me presente Guy, il me dit : oui, je le connais, qu'il commence son expose ! J'etais tres gene parce que je n'ai prepare aucun expose.

Alain dit a Guy qu'on peut aller lui rendre visite et discuter la-bas. Allons chez Guy a Toulon. Il s'est plaint aupres de nous que sa femme avait ete offensee par des declarations antisimites, alors il propose de boire a sa sante et sort une bouteille de whisky. Bien sur, nous avons bu. Vers une heure du matin, Alen dit que Leo doit etre emmene a la residence, puis-je prendre les cles de ta voiture ? Guy a naturellement dit «oui». Alain et moi montons dans la voiture de Guy et la Alain dit : J'ai quatre problemes ! Je demande : «Lesquels ?» Il repond : « Premierement, je suis tres ivre, deuxiemement, je ne connais pas le chemin, troisiemement, je n’ai pas de permis et quatriemement,si la police nous arrete, il y a un bolchevik assis a cote de moi. »

Dieu merci, nous y sommes arrives et Alain est egalement revenu sans problemes.

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Critique francaise : Toutes mes sinceres felicitations. Il y a bien quelques accords a revoir. C'est bon. Je te suggere d'imprimer toutes tes histoires et de faire un recueil que tu offriras a ton lecteur le plus assidu.