Dans la foret

Славянин Санпэи
J etais epuise, j avais mal, je ne pouvais plus penser. Il fallait que j arrete de penser a ma situation inextricable, a notre Slavie qui sombre encore dans la guerre, a ces demarches administratives compliquees pour envoyer une procuration a mon epouse... Il fallait que je dorme.

Comme un pachyderme ivre et maladroit, je reussis a gagner ma chambre. Je me souvins des mots d un pretre russe sur la necessite de lire le psaultier et prier pour la Rus. Il fallait aussi que je prie pour nous et pour moi. J enclenchai l application des Saintes Ecritures, je choisis la version allemande car la voix du lecteur est tres calme, lente et attentionnee, et commencai a prier au son de sa voix, en y pretant le peu d energie qu il me restait. Comme souvent, entre mes omoplates, dans mes os, a lendroit ou l on a detecte une soi-disante arthrose qui n a rien des symptomes de l arthrose, je sentais une douleur qui se propageait de plus en plus. Il m etait difficile de respirer. Il fallait que je prie, mon esprit s envola... Je m endormis...

Je vis alors un jeune soldat russe sur un champ de bataille, il avancait courageusement avec ses freres plus ages. Ses sourcils etaient fronces, il regardait plus loin devant lui. Je pouvais lire chez lui une grande determination; son regard etait celui d un homme pret a affronter le danger. Ma conscience alors s eteignit...

Puis se ralluma. J etais dans lieu insolite fait de gaz blanc suspendu dans l athmosphere. Derriere lui, parfois, je voyais un fond bleu. L air etait d une purete sans pareille! Le paradis pour une personne telle que moi! Curieusement, je vis des personnages d une peinture. Le tableau se rapprocha de moi. Le cadre s estompa, s evanouit. Les silhouettes semblaient vivantes. Tout a coup, le decor changea radicalement. Je n etais plus la-haut dans les cieux, mais quelque part sur la terre, dans l obscurite nocturne d une foret. Il n y avait pas d etoiles mais bien un feu qui eclairait le visage d un des personnages de la peinture. Il me semblait immense, ou etait-ce moi qui etait si petit? J etais fatigue et je me sentais comme un enfant. Peut-etre etais-je assis ou couche? Je le reconnus! Il ne s agissait pas d un personnage de peinture, mais d'un Saint d une icone! C etait Saint Seraphin de Sarov! Eclairee par les flammes, la peinture, comme par miracle, tourna en poussiere et s envola! laissant apparaitre une peau bien reelle. Il scrutait l obscurite, le lointain. Et il semblait y voir quelque chose d inquietant - une menace. Alors, je vis apparaitre un autre Saint! Saint Vladimir! Et puis Saint Alexandre de Nevsky`! Et puis Boris et Gleb! Sainte Olga! Sainte Ksenia de Saint-Pertersbourg! Saint Johan de Kronstadt aussi! Et Sainte matronne de Moscou! Ils se regardaient les uns les autres, comme pour se preparer a quelque chose. Derriere eux arrivaient des anges et egalement des Saints venus d ailleurs. Ils se donnerent la main et commencerent a prier. Quelqu un me tenait la main. Il s agissait d un Saint georgien dont je ne me souviens plus du nom. Il me regarda. Dans sa main, je sentais la meme inquietude, la meme intention, le meme amour pour nos freres qui souffraient partout, le meme flux de priere. Que faisais-je la? Moi, le pecheur, le malade inutile? J etais si fatigue. Prier me prenait aussi de ma force, et dans le songe, a nouveau, je m endormis.

Je me reveillai, comme avec la gueule de bois. Il me fallut bien une tasse de cafe pour me sortir du coltar. Mais je n avais plus mal au dos, anime d une nouvelle energie, je pus continuer d essayer de m en sortir. Je pensai qu il faudrait vraiment que la Russie fasse la paix avec la Georgie. Il y a des solutions. Il y a assez d ennemis et d une guerre comme cela.

Peut-etre mon imagination? Ou peut-etre pas... Cette experience onirique sembla plus vraie que la realite.

Seigneur Jesus Christ, fils de Dieu, aies pitie de moi, pecheur.
Sauve et protege les tiens et Ton heritage...